Gauguin fait un premier séjour au Pouldu l'été 1889 en compagnie de Sérusier, ils descendent à l'hôtel Destais, aux Quatre Chemins, le carrefour des routes menant à Clohars-Carnoët, Pont-Aven et Quimperlé. En octobre il revient s'y installer à la Buvette de la Plage.
Situé à l'abri d'une baie à l'embouchure de la rivière de Quimperlé -la Laïta - qui sépare les départements du Finistère et du Morbihan, Le Pouldu est un village sur la commune de Clohars-Carnoët. Au Bas-Pouldu se trouve le petit port face au gros bourg de Guidel que l'on gagne en traversant la rivière sur le bac du passeur Jacob qui peut aussi embarquer une vache, un cheval ou même une charrette à l'occasion ; sinon il faut faire le grand tour par Quimperlé. A cause la dangereuse barre de bancs de sable à l'entrée de la rivière un sémaphore installé sur la haute falaise guide par ses signaux les pilotes pour les aider à franchir la passe ; la Laïta est pratiquée par de nombreux caboteurs qui remontent avec la marée jusqu'à Quimperlé ; bon nombre de bateaux s'amarrent en attente au Pouldu . Les canots sont nombreux, armés d'avirons et d'une seule voile trapézoïdale au tiers. Ils pêchent le saumon qui pullule. de vieilles chaloupes chargent le sable sur les bancs, les robustes chasse-marée à deux mâts font le cabotage, on voit aussi quelques goélettes aux gréements plus élancés, il y a enfin quelques yachts de plaisance.

Une autre activité est courante au Pouldu, c'est le ramassage des algues sur la plage : au lendemain des tempêtes les paysans se pressent pour les récupérer, les faire sécher en tas et les charger sur les charrettes pour les répandre dans les champs car c'est un excellent engrais. Les paysans prennent aussi, en grande quantité dans un va-et-vient considérable de charrettes, du sable sur la plage des Grands Sables pour amender la terre acide. Dans les quelques maisons du hameau et les fermes éparses, les habitants sont des modestes fermiers qui produisent assez de grain pour se nourrir et élever leur bétail : ce sont les femmes qui travaillent aux champs, nourrissent la basse-cour, et cultivent l'indispensable potager et le champ de pommes de terre. les enfants gardent les vaches qu'ils font paire dans les prés communs et ramassent le bois ; les hommes ne participent qu'aux gros travaux, la moisson, le battage, car ils sont - c'est le cas général en Bretagne - pêcheurs sur les chaloupes qui partent chaque matin. Les femmes portent le costume traditionnel qui est ici beaucoup plus simple qu'à Pont-Aven : la coiffe comprend deux petites ailes plates et il n'y a pas de collerette, le grand tablier remonte jusqu'aux épaules ; on les voit plus souvent avec le capot de travail qui couvre la tête et les épaules et protège du vent et de la pluie. Un des lieux de rencontre des femmes est le lavoir au fond de l'anse de Stervilin sur la Laïta.
II n'y a alors aucun commerce au Pouldu et quand l'auto production ne suffit pas et qu'il faut vendre ou acheter, on doit se rendre au bourg de Clohars-Carnoët à 5 kilomètres, ou aux marchés de Quimperlé. Dans le haut du Pouldu existe depuis longtemps l'Hôtel Destais, fréquenté surtout par les paysans venant chercher du sable ou du goémon ; on trouve aussi sur le port, juste à côté des douaniers, le débit de boisson de Goulven chez qui Moret louait une chambre dès 1881 ; et depuis 1888 le modeste établissement La Buvette de la Plage qui dispose de trois chambres. Marie Henry, une femme seule très indépendante, vient de faire construire cette petite maison isolée, quasiment au bout de la route de la plage bien placée, La Buvette de la Plage est un lieu de passage fréquenté d'autant que la Bretagne commence à attirer quelques touristes et que les amateurs de bains de mer apprécient les belles plages du Pouldu. L'Hôtel Portier ouvrira sur le port vers 1900.

Quelques familles fortunées viennent en vacances et font construire de grandes villas en bordure de mer. Gauguin louera ainsi, comme atelier, les combles de la villa Mauduit ; Seguin réside un temps à la villa Saint-Julien, Slewinski occupe la villa Saint-Joseph avant d'acquérir Kerdro en 1900.
Trois plages magnifiques contribuent à l'attrait du Pouldu : la plage des Grands sables d'abord, bien abritée entre deux hautes pointes rocheuses ; à gauche en regardant la mer, entre Porgastel et Porguerrec, la pointe où est située une maison isolée construite en 1880 pour un notaire : c'est la maison de Penn du (la pointe noire) souvent représentée par les artistes mais nommée par incompréhension du breton la maison du Pendu !
C'est ensuite la plage de Bellangen et derrière des dunes puis, après la pointe surmontée du vieux corps de garde communément appelé "la maison du douanier", se découvre la plage du Kerrou au milieu de laquelle est un îlot rocheux ; un peu plus loin en allant vers le port de Doëlan on trouve la crique de Porsac'h où s'abritent quelques canots et l'anse de la Roche Percée.

Bonjour Monsieur
Gauguin - vers 1889
Paul Gauguin


Chaumière aux trois mares
vers 1890
Paul Sérusier


Cour de Ferme au Pouldu
vers 1889
Paul Sérusier


Falaises
Henry Moret

Le roulage à Pont-Aven
1895
Fernand du Puigaudeau