Arrivé à Pont-Aven, où la vie est très peu chère, à la fin juin 1886, il loge à la pension Gloanec où il fait figure d'artiste révolutionnaire au milieu du groupe des peintres habitués, la plupart étrangers. "Je travaille beaucoup ici et avec succès ; on me respecte comme le peintre le plus fort de Pont-Aven" écrit-il à sa femme. II travaille dans l'atelier de Lézaven et peint en plein air, souvent dans un champ voisin - le champ Derout-Lollichon, du nom de ses propriétaires -où il situera plusieurs tableaux. Avec Laval il fait la connaissance du jeune Émile Bernard et lui fait visiter son atelier ; "il y a aussi à Pont-Aven un impressionniste nommé Gauguin, un garçon très fort , il dessine et peint très bien" écrit Bernard à ses parents. Un peintre anglais qui loge aussi à l'auberge Gloanec le décrit ainsi "Grand, les cheveux bruns et le teint basané, les paupières lourdes, de beaux traits s'associent à une stature puissante ; Gauguin à cette époque était vrai ment un beau spécimen d'homme ... il s'habillait comme un pécheur breton, d'un chandail bleu et portait le béret penché avec désinvolture ; réservé et sûr de lui, taciturne et presque austère, bien qu'il pût se détendre et se montrer tout à fait charmant quand il le désirait ».

Son désir d'exotisme pousse cependant Gauguin à partir avec Laval pour Panama puis La Martinique, mais la maladie l'oblige à rentrer en France en 1887. Gauguin rejoint Pont-Aven fin janvier 1888 ; Emile Bernard vient en juillet le saluer de la part de leur ami commun Van Gogh, la rencontre est cette fois chaleureuse et les deux artistes travaillent de concert, discutant et confrontant leurs idées. A la fin du mois Bernard peint Les Bretonnes dans la prairie verte en larges aplats cernés et sans perspective, tableau qui impressionne fortement Gauguin ; à son tour il peint La Vision après le sermon... Une nouvelle formule est née alliant une technique, le cloisonnisme, et un style, le synthétisme ; par une simplification voulue, l’œuvre doit être expressive par elle-même et non par le sujet . Le curé de Nizon, à qui Gauguin offre la toile pour l'installer dans la belle église de granit, refuse le cadeau. Déçu, Gauguin l'exposera quelques mois plus tard à Paris où elle recevra un accueil aussi chaleureux qu'inattendu de critiques comme Albert Aurier qui qualifia alors Gauguin de "sublime voyeur" et "artiste de génie". En septembre Gauguin donne à Sérusier une magistrale leçon de bretagne-peinture en lui faisant esquisser un paysage du Bois d'Amour qui deviendra Le Talisman. Puis il fait un séjour à Arles chez Vincent Van Gogh et rentre à Paris après l'altercation qui se termine par l'oreille coupée de Van Gogh.

De retour à Pont-Aven en 1889, où il peint en particulier La BelIe Angèle et Le Christ Jaune  , Gauguin s'installe ensuite au Pouldu à la "Buvette de la Plage", l'auberge de Marie Henry, en compagnie de Meyer de Haan, Filiger et Sérusier. Ils décorent entièrement les salles de l'auberge.