Le pays de la mer
A l'extrémité de la presqu'île de Crozon, Camaret occupe une position stratégique à l'entrée de la Rade de Brest, son anse, bien abritée derrière un cordon naturel de galets "le Sillon" accueillait jadis tous les navires ne pouvant franchir le Goulet par gros temps. Camaret était alors un des premiers ports du Finistère ; la pêche à la sardine fut ensuite la principale activité, relayée par la capture des langoustes. Les chantiers de constructions navales étaient réputés. Le site, avec les imposantes falaises, l'alignement des petites maisons des pécheurs autour de son port rempli de voiliers, le cimetière marin, la chapelle Notre Dame de Rocamadour et la Tour Vauban sur le Sillon ont depuis longtemps attiré à Camaret une colonie d'artistes. Boudin est le premier à y séjourner, suivi de Cottet, Lacombe, Rivière et du poète Saint-Pol-Roux qui s'y fait finalement construire en 1904 un étrange manoir face à la mer, qui deviendra un lieu privilégié de rencontre pour les artistes et intellectuels.

Si le premier tableau connu de Belle lie est une tempête de Gudin, c'est Monet qui lors de ses séjours à partir de 1886 lança le mythe de la bretagne-peinture à Belle lie quand il y réalisa ses 39 tableaux de rochers et mer écumante. Dès lors, pendant dix ans, les peintres vont se succéder sur la plus grande île de Bretagne dont les splendides paysages et les hautes falaises lui valent un nom si mérité. Non loin, les petites lies de Houat et Hoëdic (la cane et le caneton en breton) vivent en complète autarcie sous la vigoureuse autorité du recteur et du syndic des pêcheurs ; sur ces "files Borromées de l'Atlantique" le mode de vie de ces communautés retirées, mais aussi la présence d'une flore spécifique à ces milieux maritimes mais secs (le lys de houat est endémique de même que les touffes d’œillets) attire les artistes en quête d'une véritable nature sauvage hors des clichés folkloriques. Moret, qui est un fervent adepte de la navigation de plaisance sur un petit yacht, fait ainsi de fréquentes incursions à Belle Ile, Houat, Ouessant et surtout Groix dont les falaises l'inspirent puissamment.

Malgré sa position excentrée, au sud-est de la péninsule armoricaine, la presqu'île guérandaise est restée très bretonne d'allure, par ses paysages, ses côtes, son architecture et la façon de vivre des habitants. Les costumes des paludiers, qui travaillent aux marais-salants, du Bourg de Batz pouvaient rivaliser de richesse et d'élégance avec ceux de Plougastel. La population du port du Croisic, l'un des plus importants pour la pêche à la sardine au XIXème siècle a depuis longtemps des liens étroits avec les familles du Guilvinec, et on peut ainsi toujours y voir quelques hautes coiffes bigoudènes. Maxime Maufra et son ami Émile Dezaunay, Nantais d'origine tous les deux, ont souvent représenté Le Croisic, ainsi que du Puigaudeau qui s'y est définitivement établi en 1903.

Bretonne et sa
fillette assises au
bord de la mer
vers 1895
Emile Dezaunay
 
 


Marée montante
vers 1898
Roderic O'Connor


Marine bleue,
effets de vague
vers 1893
Georges Lacombe

Sémaphore de l'île de Croix
1896
Henry Moret